J’ai fait un stage de récupération de points (pour un crime contre l’humanité : avoir des vitres teintées) par Grégory Baudouin (3ème partie)

Cela aurait été rentrer dans leur domaine de compétences, ce que je me refuse. Par contre, eux y rentraient allégrement sans en avoir à mon sens ni la légitimité, ni la compétence. Professionnelle de la route, forçat de la route, larbin de le route, j’ai une certaine propension à penser que je connais un peu la chose et le code de la route, les attitudes des utilisateurs où plutôt les différents dangers dus aux autres conducteurs. Visiblement, nos « préventeurs » avaient une méconnaissance du code de la route. Ils nous avaient d’ailleurs dit dans un bon mot que nous nous étions fait rouler. Que nous n’étions pas dans un stage de récupération de points, quand bien même nous en récupérerions dans la limite du statut de notre permis, mais dans un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Donc quelque part d’entrée, nous nous étions fait berner.

Nos formateurs par exemple nous annonçaient que sur la route, nous pouvions rouler à 90KM/H MAIS que 90 était la vitesse maximum autorisée (ce n’est pas faux), que ce n’était pas la vitesse obligatoire à rouler (ce n’est pas faux) et que nous pouvions rouler moins vite (mouais…. Ce n’est pas faux) voire beaucoup moins vite.

• Non.
• Monsieur Baudouin ?
• Non
• Heu comment non ?
• Non, vous ne pouvez pas rouler beaucoup moins vite.
• Si ! Il veut qu’on prenne une charrette qu’il te dit intervint notre femme ;
• On peut rouler à 80 mais vous allez vous prendre des appels de phares. Essayez de rouler à 70 vous allez vous faire lyncher.
• C’est bien ce que nous vous disons les gens
• Nous pas les gens ce sont des citoyens et là en l’occurrence des conducteurs mais pas des gens.
• Donc les conducteurs confondent vitesse autorisée et vitesse obligatoire.
• Certes mais on ne peut rouler beaucoup plus lentement. Visiblement, vous ne connaissez pas le code la route. Un véhicule doit pouvoir rouler au minimum à 90KM/H pour s’engager sur l’autoroute et s’il roule à moins de 40KM/H de la vitesse « autorisée », il sera verbalisé pour excès de lenteur.
• C’est pour ça qu’il y a des convois redit notre féminine abruptement
• Pardon ?
• C’est pour ça qu’il y a des convois exceptionnels avec des pilotes. Ho faut sortir un peu. Un gros camion qui roule doucement avec une voiture devant. Houhou la vie …
• Oui, certes mais excès de lenteur…
• Ah si, je confirme lui dis-je et je certifie, je ne pourrai pas vous sortir le code NATINF de mémoire mais la verbalisation existe.

Disant cela, je voyais l’homme qui cherchait furieusement, fébrilement l’info sur son smartphone, qu’il nous avait dit être interdits d’utilisation au départ du stage. Fais ce que je dis mais pas ce que je fais. Si on applique ce principe sur la route, on se retrouve en stage de sensibilisation à la sécurité routière. Looooooooooooooooouuuuuuuuule.

Donc une méconnaissance du code de la route, ce qui est quand même paradoxale mais aussi des outils peu adaptés. Ainsi, ils nous mettaient souvent des images sur un écran mais des images qui étaient si petites qu’on en distinguait pas les formes mais surtout que nous ne parvenions pas à les lire quand il s’agissait de tableaux. D’ailleurs, ils nous en mettaient peu de tableau. Aux tableaux, « ils préféraient les courbes ». Le seul souci c’est que leurs courbes dataient de 2011. « Car depuis 2011, les chiffres sont présentés sous formes de tableau et non plus de courbes que nous pensons plus parlantes ». Donc nous ne travaillions que sur des chiffres, des stats vieux de 6 ans. Logique.

De logique, il en fut question aussi lorsqu’ils nous demandèrent

• pourquoi les forces de l’ordre se mettaient à tel ou tel endroit et pas d’autres ?
• pour du fric.
• Mais non.
• Mais si.
• Mais non, les forces de….
• Non ! Stop !, vous allez nous dire que les forces de l’ordre se mettent à tel endroit dans un soucis de sécurité routière, dans un soucis de prévention de l’accidentologie… Basta les flics se mettent là où ils peuvent faire du fric. Pourquoi ? Je vais vous le dire. Parce que ça fait bien longtemps qu’on est passé de la police de proximité mise en place par Jean Pierre Chevènement à la police de répression. Et les bleus doivent aligner des petites barres. C’est la politique du chiffre. Et ne pensez pas qu’ils touchent un pourcentage ou une prime à la verbalisation, c’est un mythe, une connerie. Ils doivent faire du chiffre, et remonter ça au chef de brigade, qui les remonte au « patron » le commissaire, qui les remonte au DDSP, qui les remonte au Préfet, qui les remonte au Ministère, et quand ce n’est pas bon, ça redescend et quand ça redescend ça fait mal. Alors si c’est pour la prévention expliquez-moi pourquoi TOUS les jours, quasi TOUTES les heures, ils sont présents au rond-point des Echets, là où je me suis fait toper pour crime contre l’humanité avoir des vitres teintées, je vous le rappelle, et pas dans la grande ligne droite à la sortie de saint André ?
• Je ne sais pas mais vous allez nous le dire Monsieur Baudouin.
• Exact car j’y passe tous les jours à différentes heures et je les y vois à quasi chaque fois. Car là c’est un entonnoir où arrivent 4 voies, qu’on y roule au pas quand on n’est pas arrêté. Qu’ils ont donc tous le temps de voir la voiture pourrie ou le taxi aux vitres teintées. Et comme on est bloqué dans le flot, on ne peut se barrer donc facilité d’interpellation. Par contre, sur la grande ligne droite, ils se disent, ils vont ralentir car il y a un radar fixe. Bien sûr car personne, ici ne ré-accélère derrière un radar fixe. Mais simplement c’est casse-couille dans cette ligne droite, il faut potentiellement partir au cul, ils ne nous tombent pas tout cuit dans la main. Et donc là on peut en aligner des barres et récupérer du fric pour l’Etat. C’est du racket pur et simple, nous sommes des vaches à lait. Sur ces bonnes paroles, on va peut-être y aller, il est 17 H.

Quelques stagiaires avaient néanmoins envie d’en découdre. Ils approuvaient brillamment mes paroles. Chacun imposant de la vox qui sa dernière verbalisation au téléphone, qui son dernier feu orange, qui son 51KM/H en lieu et place du 50.

Quelque peu excédée mais ne se départissant toujours pas de son sourire, la psy nous mit en congé, non sans nous avoir remercié de notre venue, de notre participation et du travail concret que nous avions fait. J’avais envie de lui faire bouffer ses techniques managériales mais je me contentais de sortir tandis qu’elle était en train de finir sa phrase lançant un ultime :

• C’est ça, « à demain, si vous le voulez bien » comme disait l’autre.