Le jour où j’ai rencontré Daniel Cordier par Grégory Baudouin, Président du Cercle Jean Moulin (part 10)

JMB fit alors un « cut » impromptu qui surprit tout le monde.

• « Attends ! depuis tout à l’heure que l’on filme, je viens de m’apercevoir qu’on va pouvoir faire financer le film par les laboratoires pharmaceutiques ».

Devant nos visages incrédules, il joignit le geste à la parole et nous montra entre nous deux plusieurs boites de médicaments sur les rayonnages de la bibliothèque.

• « On va faire une pastille » dit JMB prenant une petite radio portative pour la mettre devant les boites de médicaments.
• « C’est ça » lui dis-je « et maintenant nous serons sponsorisés par Sony » lui dis je en riant.

Et c’est ainsi que continua l’interview, n’ont plus sous couvert de Radio-Londres mais de Radio-Tokyo.

• « Vous arrive t-il de penser à Jean Moulin ? Vous arrive t-il de rêver, à lui, de lui ? Réentendez-vous sa voix ? » lui demandais je en off avant que la caméra ne recommence à tourner.
• « Vous savez, je vais vous dire, je suis à un âge où on ne rêve plus la nuit. J’ai des rêves, des rêves éveillés, mais je ne rêve plus la nuit ».

Cette affirmation jeta un grand trouble dans mon esprit, trouble qui n’a toujours pas été dissipé aujourd’hui ; mais disant cela, il eut pour la première fois comme un voile dans le regard, comme si sachant que le temps lui était compté, il savait qu’il n’aurait peut-être pas le temps de finir la tache qu’il s’était assignée.

• « Que pensez-vous de la Panthéonisation de Jean Zay, et notamment de Pierre Brossolette ? D’aucuns disent que c’est la réunion symbolique de la Résistance comme au sein du CNR ; d’autres, dont je suis, que c’est trahir la pensée, l’action de Jean Moulin »
• « C’est scandaleux ! »

Le mot frappa comme une arme de résistant abattant un nazi. Il claqua avec force et vigueur pour un homme de cet âge, lui qui avait toujours était vigilant et persévérant depuis qu’il avait repris le combat de la mémoire du patron. Il avait voulu rassembler ce qui était épars dans la pensée de Jean Moulin et pour lui l’heure du repos n’était pas encore arrivée. S’il devait dénoncer cela, il reprendrait ce qui serait son ultime combat comme un combattant sortant de la barque le jour du D –Day.